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L’élaboration d’un langage

Depuis son premier spectacle, « Mirages », plus intuitif et empirique qu’entièrement réfléchi, le Théâtre de l’Esquisse cherche à se frayer une voie entre création originale et convention théâtrale. Tenter de faire de la scène un espace poétique ouvert à de nouvelles formes, tout en respectant quelques « règles » fondamentales sur lesquelles peut s’articuler la communication avec le spectateur et se déployer la logique de l’imaginaire.

Le Théâtre de l’Esquisse travaille avec des acteurs – au sens propre – qui ont peu de culture théâtrale, de références dans le répertoire. Ils n’abordent donc pas le théâtre « par le haut », par le message, par le texte ou par le sens, mais plus directement comme un ensemble concret de pratiques qui définissent un espace « autre », libéré des contraintes et des préjugés habituels et où l’informulé, le non-dit ou le « bizarrement dit » peut prendre sa place et sa dimension sans entrave dans les interstices de la fable.

L’enjeu de la représentation se fait dès lors plus immédiat, premier, déroutant parfois, fragile ou rugueux, dans cette forme de traversée, où le verbe apparaît en filigrane, comme un acte singulier dans la trame du spectacle, où la présence des corps est autant appelée à exprimer la part d’ineffable qui fonde le réel qu’à « représenter » des situations plus identifiables.

Le théâtre est donc chargé ici de rassembler des énergies secrètes, de mettre à jour un langage tout à la fois connu et oublié, qui ne peut se parler que dans l’espace de la scène, de convoquer des personnages souvent improbables qui traversent nos rêves ou se tiennent silencieusement derrière nos discours et nos certitudes.

Cet espace imaginaire et sensible, il s’agit à chaque fois de le créer, de le faire exister comme l’écho d’autres histoires, comme l’évocation dans un autre temps des bruits et des rêves du monde, fragmentés dans la vision kaléidoscopique des individus, dont chacun perçoit à sa manière le réel.

Sans l’appui d’un texte, d’une pièce, la construction de cet univers éphémère se constitue donc par approches successives, par croisements, par va-et-vient entre idées conductrices et découverte de propositions inattendues.

Gilles Anex et
Marie-Dominique Mascret

Qui ? Quoi ?

Mais ici, qui sont-ils ? Peut-on les situer socialement, dévoiler leur histoire, démasquer leurs rêves ? Le halo de mystère et de pudeur qui entoure les acteurs de l’Esquisse ne fait que mieux ressortir ce qu’ils font.
 Quoi ? Ils apportent leur pierre à l’édifice immémorial du théâtre, ils réunissent des êtres, construisent et partagent des émotions, tissent des liens avec l’espoir et l’invisible. Leur identité silencieuse ne fait que mieux clamer la nécessité du théâtre, sa raison d’être et sa beauté.


Daniel Jeannet
Abécédaire du Théâtre de l’Esquisse
Septembre 2010

La compagnie - Théâtre de l’esquisse, Genève
L’élaboration d’un langage - Théâtre de l’esquisse, Genève
L’élaboration d’un langage - Théâtre de l’esquisse, Genève